Auteur : Irène Kris, avocate à la Cour

Date : 15 septembre 2020

Pour mieux appréhender l’originalité de la table d’Yves Klein, ses propos sont repris in extenso dans un arrêt de la Cour d’appel, pôle 5 du 7 janvier 2011 (n° 09/16251) qui opposait ses ayants droits et la SARL OBJEKTO.

Il déclarait à propos des couleurs :

 « Je n’aimais pas les couleurs broyées à l’huile. Elles me semblaient mortes ; ce qui me plaisait par-dessus tout c’était les pigments en poudre, tels que je les voyais souvent chez les marchands de couleurs en gros. Ils avaient un éclat et une vie propre et autonome extraordinaire. C’était la couleur en soi véritablement. La possibilité de laisser les grains de pigments en totale liberté, tels qu’ils se trouvent en poudre, mêlés peut-être mais indépendants, tout en étant tous semblables, me souriait assez. L’art c’est la liberté totale, c’est la vie … »  (cf. Le dépassement de la problématique de l’art et autres écrits’ Ecole Nationale des Beaux-arts, Paris, mars 2003) ;

 A sa lecture, la Cour d’appel en conclut que «  cette ‘couleur-matière’ qui renvoie au pigment en poudre monochrome, est précisément celle utilisée pour investir le plateau de la table revendiquée laquelle présente en outre les caractéristiques suivantes, telles qu’énumérées par les appelants page 15 de leurs écritures : une grande table basse, de forme rectangulaire, supportée par un piétement dissimulé pour que seul apparaisse le plateau en verre sur lequel est répandue une ‘couleur matière’ monochrome – un bleu outremer ou bleu IKB -, en poudre, recouvert d’une structure en verre transparent, l’ensemble de ces caractéristiques ayant pour effet de présenter et de mettre en exergue cette étendue de pigment en poudre  ».

La Cour d’appel considère donc que l’œuvre ainsi décrite n’est pas un concept, une idée ou un principe mais une œuvre définie dans ses contours et sa structure qui met en scène une représentation de la couleur considérée  ».

L’originalité est donc caractérisée. Reste à déterminer pour la Cour d’appel si la table Pigmento est la contrefaçon de la table d’Yves Klein.

En l’occurrence, elle estime que la contrefaçon est caractérisée et condamne le contrefacteur à 12 000 euros en réparation de l’atteinte portée à son droit moral et à 60 000 euros en réparation du préjudice patrimonial.

Arrêt de la Cour d’appel du 7 janvier 2011